A propos d’un livre provocateur
Dans un livre publié récemment le Pr Even, poursuivant sa chasse aux médicaments supposés inutiles ou dangereux, affirme haut et fort, contre l’avis de tous les experts, qu’un excès modéré de cholestérol est sans danger et que les statines, médicaments les plus actifs pour diminuer le taux de cholestérol dans le sang, très largement prescrites et onéreuses, ne servent à rien.
Il est nécessaire face à une controverse dont les enjeux sont très importants aussi bien dans le domaine de la santé que de son coût, d’en rester aux données fondamentales actuellement démontrées par de multiples études.
Il existe une maladie métabolique héréditaire, l’hypercholestérolémie familiale xanthomateuse, exceptionnelle dans sa forme dite homozygote et ne représentant en France qu’un cas sur 500 naissances dans sa forme hétérozygote moins sévère, qui entraîne des accidents cardio-vasculaires précoces démontrant un lien évident de cause à effet entre un excès de cholestérol et des lésions athéromateuses. Toutes les études épidémiologiques, suivant des cohortes importantes sur des dizaines d’années, montrent un lien fort, au moinsstatistique, entre le taux de cholestérol sanguin et la survenue d’accidents cardio-vasculaires. Une centaine d’études prospectives et randomisées, dont la qualité a été contrôlée par les experts de la haute autorité de santé (HAS), ont démontré l’efficacité des statines sur les récidives et la mortalité après un infarctus du myocarde. Les statines, comme tous les médicaments réellement efficaces, peuvent entraîner des effets secondaires, exceptionnellement graves mais parfois invalidants, surtout musculaires.
Enfin, en France, la prescription au long cours de statines est sans doute excessive, en particulier en prévention primaire où les mesures hygiéno-diététiques doivent rester prioritaires. En définitive, que retenir en pratique ?
En prévention secondaire, après un accident cardiovasculaire (en particulier un infarctus du myocarde) une statine à dose adaptée doit faire partie du traitement avec un objectif d’abaissement du LDL cholestérol (mauvais cholestérol) autour de 1g/l.
En prévention primaire, une hypercholestérolémie modérée ou moyenne, en l’absence d’autres facteurs de risque cardio-vasculaire, doit relever en priorité de conseils diététiques, de la pratique régulière d’une activité physique et au besoin d’un sevrage tabagique. Il faut refuser, au moins en début de prise en charge, le médicament « alibi » qui dispenserait des mesures hygiéno-diététiques, toujours indispensables.
En revanche, toujours en prévention primaire, quand l’excès de cholestérol s’associe à d’autres facteurs de risque, en particulier diabète ou hypertension, une prescription au long cours de statine peut être indiquée, au cas par cas. En effet, le bénéfice que l’on peut en attendre est directement fonction du risque que l’on a d’avoir un accident cardio-vasculaire.
Pour conclure, ce livre ne doit pas inquiéter inutilement le public et il convient de suivre le message de l’HAS : ne pas arrêter un traitement par statine sans en parler à votre médecin.
Pr M.L 022013