Prises alimentaires extra-prandiales

 

Définition


Les prises alimentaires extra-prandiales sont physiologiques mais leur répétition ou leur caractère irrésistible/systématique peut-être un facteur de prise de poids, qui ne peut-être résolu seulement par la volonté de la personne.

Celles-ci peuvent être favorisées par l’environnement (sollicitations externes type publicité, odeurs des aliments, …), par des émotions (ennui, angoisse, stress, …), des sensations (la faim), la prise de certains médicaments ou substances (antidépresseurs, anti-psychotiques, anti-épileptiques, gluco corticoïdes, œstrogènes, cannabis, … (1)).

L’on caractérise ces prises alimentaires par leur fréquence, leur quantité, le niveau d’impulsivité / intensité lors de ces épisodes et les types d’aliments consommés.

On peut en définir 3 types distincts  (2)(3) :

      1. Grignotage : Il correspond à la prise tranquille d’aliments plaisirs en petites quantités, et est déclenché le plus souvent par des sollicitations externes.
      2. Compulsion : C’est un besoin irrésistible de manger, la consommation lors de la prise alimentaire est tranquille : en quantité modéré, sans perte de contrôle pendant l’acte mais seulement à son initiation.
      3. Accès boulimique  : absorption en une période de temps limitée, d’une quantité de nourriture supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances, associé à un sentiment de perte de contrôle pendant l’ingestion. S’en suit souvent une grande culpabilité. Les aliments consommés ne sont pas forcément plaisants (aliments congelés, pâtes crues, purée mousseline sèche)

Un accès boulimique qui survient au moins 1 fois par semaine pendant 3 mois caractérise une Hyperphagie boulimique ou BED (Binge Eating Disorder).

Un accès boulimique associé à des conduites de purge telles que des vomissements caractérise une Boulimie.

 

Mécanisme / Physiopathologie


Les compulsions et accès boulimiques sont des conduites écrans, qui échappent à la volonté de la personne.

Il existe souvent un processus de déni, comme dans les conduites addictives.

Ces comportements sont non exprimés spontanément par les patients, d’où l’importance d’un interrogatoire systématique.

Ils sont souvent des exutoires à des tensions psychologiques, émotionnelles et peuvent survenir pour combler un vide, une carence affective, une angoisse de séparation ; afin de tenir le coup dans les problématiques de sommeil ; dans une situation de stress (professionnel, familial) ; afin d’étouffer des psycho traumatismes (4) ou pour soulager des tensions psychiques comme contenir de la colère.

Les compulsions sont souvent favorisées par des comportements restrictifs.

Approfondir et travailler sur les déterminants de ses comportements, leurs origines et l’histoire du patient permet de diminuer cette alimentation émotionnelle.

Pour accompagner le patient, il faut l’aider à prendre conscience de la dimension symbolique propre de ces comportements alimentaires (5)(6), libérer l’expression de ses ressentis par la parole, par l’extériorisation des émotions, l’écriture, le dessin, …

 

En pratique


A/ Évaluation et Diagnostic

L’identification des différentes prises extra-prandiales se fait par cette courte séquence de questions :

Vous arrive-t-il de manger en dehors des repas  y compris la nuit?
Oui – Non
⇒ Si Oui : précisez le moment, le contexte et la fréquence et posez la question suivante

Certaines de ces prises sont-elles irrésistibles (irrépressibles) ?
Oui – Non – Je ne sais pas
⇒ Si Non : Grignotages
⇒ Si Oui : répondez aux questions suivantes

Vous arrive t-il de ne plus réussir à vous maitriser dans ces moments là et de consommer  :
– Plus Rapidement qu’au cours des repas ? Oui – Non
– De grandes quantités ? Oui- Non
– Des aliments que vous n’appréciez pas ? Oui- Non
⇒ Si Non : Compulsions
⇒ Si Oui ou Souvent ou Tout le temps : répondez aux question suivantes

 Vous êtes-vous déjà fait vomir à la suite de ces prises alimentaires ?
Jamais – Parfois – Souvent – Tout le temps
⇒ Si Non (ou jamais ou parfois) : Hyperphagie boulimique
⇒ Si Oui, ou fréquent (> 1/ semaine pdt 3 mois) : Boulimie

Limitez-vous  depuis plus d’une semaine votre alimentation ou vous interdisez-vous des aliments pour contrôler votre poids ?
Oui – Non
⇒ Si Oui : restriction cognitive

B/ Conseils au patient

Repérer le contexte préférentiel dans lequel surviennent ces prises alimentaires extra-prandiales.

Identifier les déterminants de l’impulsivité alimentaire (manque de sommeil, manque d’espace pour soi, colère refoulée, psychotraumatisme, stress professionnel, carence affective, …)

Extérioriser ses émotions autrement qu’en les étouffant par la nourriture, valoriser l’expression orale, écrite, artistique.

Éviter des comportements restrictifs, régimes, pouvant favoriser l’apparition de compulsions.

Si ces conseils ne suffisent pas : adresser selon le contexte à un médecin nutritionniste ou à un psychologue.

 

C/ Approches thérapeutiques complémentaires

Carnet d’auto-observation alimentaire (cf Carnet alimentaire sur 3 j), il permet au patient de prendre conscience de ses comportements alimentaires, souvent refoulés.

La gestion de l’alimentation émotionnelle et notamment de l’impulsivité alimentaire peut se travailler en se focalisant sur ses propres sensations internes (cf fiche ‘Ressenti autour de l’alimentation’)

Identifier la dimension symbolique affective de certains aliments : lorsqu’un aliment ou un seul type d’aliment est identifié dans l’impulsivité alimentaire (exemple : chocolat). Ce travail peut se réaliser via des séances de dégustation (cf fiche de Dégustation).

Soutenir l’écologie personnelle (cf fiche Écologie personnelle) pour réduire l’ensemble des tensions psychiques.

Gestion des émotions et du stress par différentes approches : thérapies cognitivo-comportementales, sophrologie, hypnothérapie,  …

Soutenir l’estime de soi (7)

 

Lien : Doc patient


 

Bibliographie


    1. Sharma AM, Padwal R. Obesity is a sign – over-eating is a symptom: an aetiological framework for the assessment and management of obesity. Obes Rev [Internet]. 2010 May;11(5):362–70. Available from: http://doi.wiley.com/10.1111/j.1467-789X.2009.00689.x
    2. Collège des Enseignants de Nutrition. Enseignement National de 1er cycle. 2010-2011 [Internet]. Available from: http://campus.cerimes.fr/nutrition/poly-nutrition1.pdf
    3. Collège des Enseignants de Nutrition. Enseignement National de 2ème cycle. 2010-2011 [Internet]. Available from: http://campus.cerimes.fr/nutrition/poly-nutrition.pdf
    4. 20170519_lien_entre_TCA_et_psychotraumatisme_web.pdf [Internet]. Available from: https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Articles-Dr-MSalmona/20170519_lien_entre_TCA_et_psychotraumatisme_web.pdf?PHPSESSID=25riun3b2e4qeri1abuoectir4
    5. Bertin E, Ostermann G. Comportement alimentaire et obésité : place de la symbolique alimentaire. Cah Nutr Diététique [Internet]. 2017 Jun;52(3):122–8. Available from: https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0007996017300421
    6. Benzerouk F, Gierski F, Ducluzeau P-H, Bourbao-Tournois C, Gaubil-Kaladjian I, Bertin É, et al. Food addiction, in obese patients seeking bariatric surgery, is associated with higher prevalence of current mood and anxiety disorders and past mood disorders. Psychiatry Res. 2018;267:473–9.
    7. Durrer Schutz D, Busetto L, Dicker D, Farpour-Lambert N, Pryke R, Toplak H, et al. European Practical and Patient-Centred Guidelines for Adult Obesity Management in Primary Care. Obes Facts [Internet]. 2019 Mar;12(1):40–66. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6465693/

06.2019 Barrois M ; Bertin E ; CSO Champagne-Ardenne, service de Nutrition du CHU de Reims, Maison de la Nutrition